Apprentissage, Communauté et Technologie

Thérèse Laferrière encollaboration avec la Communauté de TACT[1]

 

 

L'école et la salle de classe seréorganisent pour donner plus d'importance au fait que lesétudiants apprennent dans un contexte social (Bereiter et Scardamalia, 1993;Brown, 1994; McLaughlin et Talbert, 1993; Grégoire etLaferrière, 1998a; Bransford, Brown et Cocking,2000). Comme toute nouvelle théorie de l’organisation, laconstruction d’une communauté d’apprentissage (Sergiovanni, 1994;Kohn, 1996;Wells 1994) contraste avec l'organisation de la classe qui nous provient desthéories scientifiques sur le management pendant la premièrepartie du siècle et qui ont conduit indubitablement à un manqued'engagement intellectuel et d'autonomie pour des enseignants (Doyle, 1986;Resnick, 1998). Les technologies de l'Information et des communicationspermettent un meilleur soutient aux enseignants qui visent àcréer des occasions d'étude plus engageantes pour leursétudiants.

 

Le projet éducatif du Forum Universel desCultures offre beaucoup de possibilités d’apprentissagestimulantes en espérant que beaucoup d’éducatrices etd'éducateurs professionnels trouveront ces thèmesappropriés autant pour leur propre contexte que pour un contexteuniversel. Invitée à présenter le thème Nouveauxmédias et les technologies de la communication au Forum Universel desCultures, l'auteure soulignait dans le bulletin émis en février2001 :

 

En travaillant et en pensantensemble, les éducateurs de tous les pays participants, lesgouvernements, les leaders économiques - chefs d'entreprise et groupescommunautaires - sont capables avec leur connaissance actuelle des ressourceset de la technologie, de créer une communauté, unefamille d'éducateurs avec l’objectif commun d’utiliser dansles systèmes d'éducations les technologies de l'information etdes communications (TICs) de manière adéquate enclasse et en dehors de la classe.

 

Cette déclaration met de l’avant lavision des communautés d'apprentissages interconnectées. Leséducateurs sont invités à appliquer ce concept decommunauté d’apprentissage à un ou plusieurs des niveauxsuivants : la salle de classe comme communauté d’apprentissage,les communautés rurales et urbaines comme des milieux éducatifs(l’école comme communauté éducative et le quartiercomme la communauté virtuelle d’apprentissage).

 

Cet écrit met l’accent surl'enseignant en salle de classe qui vise à en faire unecommunauté d'apprentissage et pointe spécifiquement au niveau desprocessus de classe appelés l’apprentissage constructiviste,l'investigation et la construction de connaissances.

 

 

 

 

La salle de classe comme une communautéd'apprentissage

 

Pendant les deux dernières décennies,en particulier en Amérique du Nord, une conscience marquée pourl'importance et le rôle des interactions sociales insiste sur lesprocessus socio-cognitifs nécessaires à l'acquisition deconnaissances et de compétences puisque le besoin de s’instruirefait en sorte que les gens apprennent collectivement. C’est aussil’objectif que poursuit naturellement un enseignant constructiviste.  La notion de la salle de classe en tantque communauté d'apprentissage s'applique lorsqu’un grouped'étudiants et au moins un éducateur sont, pour un certain temps,motivés par un objectif commun. Ils seront alors engagés ensembledans la poursuite de l’acquisition de connaissances, de capacitéset d’attitudes en lien avec l’objectif qu’ils poursuivent(Grégoire et Laferrière, 1998b).

 

Les enseignants constructivistes dont leprogramme d'action (Doyle, 1986) est de transformer leurs sallesde classe en communautés d’apprentissages, doivent relevercertains défis : trouver des objectifs communs, favoriser lacommunication et élaborer des normes qui démontrent leur effortcollectif vers l'apprentissage, avec la preuve que les objectifsd'apprentissage sont réalisés en collaboration et se poursuiventdans un contexte où les uns manifestent un souci d’entraide et derespect du rythme de l’apprentissage des autres (Grégoire etLaferrière, 1998c).  Lorsqueappliquées dans les préparations de cours des enseignants, lescroyances à propos de l’apprentissage et de l’enseignementainsi qu’au niveau de l’organisation et de la gestion de classe,doivent être prises en considération étant donné queles futurs enseignants ont des idées préconçues quant aufonctionnement d’une communauté d’apprentissage. Uneminorité d'éducateurs et d’enseignants coopératifsrépondent présentement à ces conditions.  En effet, la cohérence entre lathéorie et la pratique ainsi que la collaboration entre leséducateurs représentent deux défis de taille.  Aux États-Unis, le « National Council forAccreditation of Teacher Education (NCATE) »promeut la communauté d’apprentissage comme étant unobjectif important à atteindre en formation des maîtres. Un effortaccru en matière de recherche et développement dansl'établissement de communautés d’apprentissage au Canada aété de mettre de l’avant des expérimentations decommunautés d’apprentissages grâce au profit del’apport des technologies de l’information et des communications (TICs).  Les associations entre lesuniversités et les écoles d’un même milieu ontété reconnues dans différents milieux (U. Laval /Quebec, U. McGill /Montréal, U. OISE/Toronto, UBC/Colombie-Britannique etbien d’autres), comme des modèles de communautésd'apprentissages avec un partenariat établis entre desuniversités ou des écoles qui ont recours aux TICs pourl’enseignement et l’apprentissage.

 

Combiner l’interaction face à face et enligne

 

L’interaction face à face et en ligneau sein de communautés d’apprentissage professionnelles  émerge un peu partoutgrâce à l’appui des nouvelles technologies descommunications, c’est ce que l’on appelle la TL*PDS (TeleLearningProfessionnal Development School) qui désigne le développementd’écoles de développement professionnel intégrantles pratiques du télé-apprentissage. La TL*PDS offre desopportunités, soit individuelles ou en collaboration, en vue de l’élaborationde recherches visant des avenues sérieuses pour l’intégrationdes TICs dans les programmes d’études et pour le renouvellementdes processus de classe.  Voici desexemples de recherches faites en collaboration : 1) des étudiantset des enseignants ont fait un journal en ligne sur les bénéficeset les limites des projets d’apprentissage intégrant lesTICs ; 2) les membres du Groupe de Recherche en Science Cognitiveappliquée, basés à Montréal, ainsi que les membresd'une école de développement professionnel, en banlieue deQuébec, ont participé à un dîner causerie vial’Internet. 3) des membres de la cohorte des étudiants stagiaires2001-2002 ont pu profiter des connaissances accumulées par la pratiquedes cohortes précédentes et ils ont étéinvités à contribuer, à leur tour, à labonification du contenu de la communauté d’apprentissage, toujoursdans le but d’y retrouver un contenu d’une qualité encoremeilleure.  Voir aussi, parexemple, le cas de la visite virtuelle de la base de donnéesemployée par le Knowledge Forum (voir la présentation de Lamonà ce symposium).

 

 

Lorsque l’infrastructure le permet au niveaulocal, et que l’interconnexion est possible avec d’autresressources significatives, il est avantageux de mettre la communauté enréseau. Cela permettra par le fait même de créer desopportunités d’apprentissage susceptibles de transformer lescroyances, théories et pratiques des enseignants (Laferrière etco., 2001) par la résolution de problème (Schön,1983).    C’estcette avancée que le réseau Telelearning des centresd’excellence (TL-NCE, Canada, http://www.telelearn.ca) a voulu mettre enapplication à l’aube de l’âge de l’information,par la conception d’outils de collaboration de deuxièmegénération et l’élaboration de nouvelles pédagogies.  Les communautés professionnellesprofitent et contribuent au développement de ces outilsd’apprentissage (voir http://www.telelearning-pds.org).

 

 

Au Canada et ailleurs, l'intégration des TICs danscertains programmes d'études crée un nouvel élan pour lesprojets fondés sur la recherche[LIN1]  etremontantorigiant or aux travaux de pionniers telsque Dewey, Kilpatrick, Freinet et Makarenko. Parexemple, à date, le programme Rescol à la source,financé par Industrie Canada et ses partenaires, agénéré environ 25 000 projets depuis son lancement en1997. Ils ont pour objectif de favoriser la recherche et la collaboration sur'Internet entre différentes classes et de s’en servir dans un butinstrumental pour l'étude des TICs etl'exploration de nouveaux processus de fonctionnement de la classe et desrésultats d’apprentissage. Aux États-Unis, une communauté d'étude du Michigan(voir Blumenfeld etd'autres., 1991; Marx et d'autres., 1997) a fourni une pratique avant-gardiste etexemplaire pour l'étude de projets dans le domaine des sciences.

 

En attendant, le TL-NCE, uneéquipe de recherche en éducation, fondé égalementpar Industrie Canada, a étudié la contribution des TICs dansl'enseignement et l’apprentissage. Leurs devis sociotechniques (Brown,1992) les ont amenés à reconnaître la valeur descommunautés de coélaboration de connaissances pour rencontrer lesexpectatives liées à l'innovation.

 

 

Communautés decoélaboration de connaissances

 

Quand le ou les enseignant(s), les étudiantset les autres participants (de différents niveaux d'expertise) agissentensemble pour l’avancement de leurs connaissances sur un  projet d'étude partagé,ils font partie d'une communauté de coélaboration deconnaissances, soit une communauté d’apprentissage. C'est sonorientation vers l'innovation et la bonification de la connaissance qui le distinguedes autres communautés d'apprentissage. Une telle communauté estdémocratique dans le sens qu'elle reconnaît que les jeunesétudiants ont aussi des idées, qu'ils peuvent travailler aveccréativité sur leurs idées et les développerpositivement. (Scardamalia, 2000; Lamon, Scardamalia et Laferriere,2001). Les membres acceptent individuellement la responsabilité de laconnaissance pour la communauté dans l'ensemble.  Les groupes distribués etopportunistes agissent de façon diversifiée, comme une force quipermet l’intégration du travail des diverses disciplines et descommunautés.

 

Une des grandes forces du projet d'éducationde Barcelone 2004 vient du fait qu’il permettra aux élèvesdu primaire et du secondaire et aux diverses communautés locales de travaillerensemble sur des problèmes d’intérêt commun tels quel'éducation pour les environnements durables et l'éducationà la paix.

 

Applications

 

Lemétier d’enseignant, comme profession de design, est unemétaphore suggérée par Yinger (1986)dans une tentative de remplacement des métaphores dominantes tellesque:   l’enseignant« évaluateur du niveau de compétenceatteint » ou encore de l’enseignant « preneur dedécisions », qui sont aujourd’hui vues comme banalisantou diminuant les activités cognitives et sociales del’enseignant.  Du fait queles structures de participation sociale des salles de classe traditionnellesainsi que les tâches académiques sont très conservatriceset individuelles, l'effort collectif est pourtant nécessaire, passeulement au niveau de l’école, mais à plusieurs niveauxafin de parvenir à un processus évolutif qui déboucherasur des changements pédagogiques durables.   Notre compréhension de la vision que partagentles enseignants au sujet des communautés d’apprentissage en réseauou interconnectées, ne s’applique pas seulement aux salles declasse, mais aux écoles, aux universités ainsi qu’àtoute autre organisation dont les membres partagent un objectifd’apprentissage.

 

La conception de diverses activités qui serelient et se rejoignent à différents niveaux reflète unecompréhension nouvelle de comment et où les résultatsd’études convergent. Notre concept de communauté d’apprentissage en est un quicommence tout d'abord avec les membres de sa propre communauté locale ets’étend ensuite bien au-delà. Donc, dans ce sens, il estsuggéré que chaque salle de classe participante, qui se veut unecommunauté d'apprentissage, puisse prouver qu’elle se qualifie endémontrant le prolongement de ses activités, premièremententre les apprenants en salle de classe et ensuite vers une classe àl'extérieur de l’école - au plan local, national ouinternational - et/ou vers des membres de la communauté locale.  En 2002 et 2003, tandis que lacontribution d'acteurs locaux continuera d’être la clef del'implication des étudiants, la participation à desactivités dans d'autres régions ou encore dans d’autresnations devrait-être fortement encouragée. À Barcelone en2004, la participation devra refléter les activités conduites etles artefacts créés par ces communautés d'apprentissage.

 

Notre propre contribution à laréalisation de ce grand événement de lasociété civile afin de contribuer à son succès estde favoriser la recherche collaborative et la coélaboration de connaissancesau sein de communautés soutenues par les nouveaux médias ettechnologies de la communication.

 

 

References

 

Bereiter, C. & Scardamalia, M.(1993). Surpassing Ourselves. An Inquiry into the Nature and Implications ofExpertise.Chicago et La Salle, Illinois : Open Court.

 

Bransford, J. D., Brown, A. L.,& Cocking, R. R. (1999). How people learn: Brain, mind, experience, andschool.Washington, DC: National Academy Press.

 

Blumenfeld, P. C., Soloway, E.,Marx, R. W., Krajcik, J. S., Guzdial, M. et Palincsar, A. (1991).  Motivation project-basedlearning : Sustaining the doing, supporting the learning.  Educational Psychologist,26(3 & 4), 369-398.

 

Brown, A. L. (1992).  Design experiments: Theoretical andmethodological challenges in creating complex interventions in classroomsettings. The Journal of the Learning Sciences, 2(2),141-178.

 

Brown, A. L., et Campione, J. C.(1994). Guided discovery in a community of learners. In K. McGilly (ed.), Classroomlessons:  Integrating cognitivetheory and classroom practice (pp. 229-270). Cambridge, MA: MITPress.

 

Doyle, W. (1986). Classroomorganization and management. In M. C. Wittrock (ed.), Handbook of research onteaching (pp.392-431). New York : Macmillan.

 

Grégoire etLaferrière, T. (1998a). “Learning community”: What is it allabout? Disponible en ligne à: http://www.tact.fse.ulaval.ca/fr/html/prj-7.1/communy1.html

 

Grégoire etLaferrière, T. (1998b). “Learning community”:  A definition. Disponible en ligneà : http://www.fse.ulaval.ca/fac/tact/fr/html/prj-7.1/communy2.html

 

Grégoire etLaferrière, T. (1998c). “Learning community”:  Essential components. Disponible enligne à : http://www.fse.ulaval.ca/fac/tact/fr/html/prj-7.1/communy3.html

 

Kohn, A. (1996). BeyondDiscipline.From Compliance to Community. Alexandria, Virginia : Association for Supervisionand Curriculum Development. 

 

Laferrière, T.(in print). In-service education through face-to-face and on-line interactionin learning communities. Proceedings of the 25th annual conference of theAssociation of Teacher Educators in Europe (ATEE), Bruxelles.

 

Laferrière, T.,Bracewell, R., Breuleux, A., Erickson, G., Lamon, M., & Owston, R. (2001). Teachereducation in the networked classroom. Paper presented at the 2001Pan-Canadian Education Research Agenda (PCERA) Symposium,Teacher Education/Educator Training: Current Trends and Future Directions,Laval University, Quebec City. Disponible en ligne à:

http://www.cmec.ca/stats/pcera/symposium2001/LAFERRIERE.O.EN.pdf

 

Lamon, M., Scardamalia,M., et Laferriere, T. (2001). Learning Communities: A Knowledge Building Approach.  Paper presented at the LearningCommunity Symposium, Barcelona.

 

Lave, J., Wenger, E. (1991). Situatedlearning: Legitimate peripheral participation. New York: Cambridge UniversityPress.

 

Marx, R. W., Blumenfeld, P. C.,Krajcik, J. S., & Soloway, E. (1997). Enacting project-based science. TheElementary School Journal, 97 (4), 341-358.

 

McLaughlin, M., & Talbert, J.(1993). Contexts that matter for teaching and learning: Strategicopportunities for meeting the nation's educational goals (CRC Publication R93-6).Palo Alto, CA: Stanford University, Center for Research on the Context ofSecondary School Teaching.

 

Resnick, P. (1998).  From aptitude to effort: Learnableintelligence and the design of schooling. E. L. Thorndike Award Address, Annualmeeting of the American Educational Research Association.

 

Scardamalia, M. & C. Bereiter(1996). Engaging Students in a Knowledge Society. Educational Leadership. Alexandria, Virginia :Association for Supervision and Curriculum Development. Vol. 54, No. 3,November. P. 6-10.

 

Scardamalia, M. (2000).  Can schools enter a knowledgesociety?  In Selinger, M., &Wynn, J. (Eds.), Educational technology and the impact of teaching andlearning: A global research forum, How can schools become part of aknowledge society? (pp. 5-9). Abingdon, England:  ResearchMachines.

 

Sergiovanni, T. J. (1994). BuildingCommunity in Schools. San Francisco, California: Jossey-Bass. XXI et 2

 

Schön, D. (1983).  The reflective practitioner.  New York:  Basic Books.

 

Wells, G. et co. (1994).ChangingSchools from Within : Creating Communities of Inquiries. Toronto, Ontario : OISEPress; Portsmouth, New Hampshire : Heinemann.

 

Yinger, R. Y. (1986).  Examining thought in action: Atheoretical and methodological critique of research on interactive teaching. Teachingand Teacher Education, 2(3), 263-282.

 

 

 



[1]L’auteur estprofesseure en pédagogie à l’Université Laval,Québec, Canada.

TACTsignifie TéléApprentissage Communautaire et Transformatif. http://www.tact.fse.ulaval.ca/


 [LIN1]Il existe surement un autre terme enfrançais pour inquiry based learning